mardi 24 janvier 2012

Des paquebots trop près...

Les protestations s'amplifient contre ces navires accusés de détériorer la lagune. Pour l'écrivain Roberto Ferrucci, amoureux de Saint-Nazaire où ont été construits certains de ces géants, leur place est dans l'océan.

Le seul port où le Vénitien Roberto Ferrucci supporte la vue d'un paquebot, c'est Saint-Nazaire. C'est là, dans l'appartement avec vue sur les chantiers navals où il était accueilli en 2008, en résidence d'écriture, qu'il s'est un peu réconcilié avec ces géants de mers.
« À Venise, ils posent un gros problème. Je suis contre leur passage dans la lagune, à l'équilibre fragile. » Il partage la fierté des Nazairiens pour leurs navires. Mais à peine de retour chez lui, le paquebot italien MSC Poesia qu'il avait admiré quelques jours plutôt dans l'estuaire de la Loire polluait déjà « sa » lagune.
2,1 millions de passagers par an
C'est un autre paquebot né à Saint-Nazaire, le MSC Magnifica, qui, le 27 décembre, a essuyé les protestations de dizaines de manifestants. Fumigènes et slogans : « Fuori le grande navi della laguna » (les paquebots hors de la lagune).
Dans un reportage intitulé La rébellion des anti-croisières, publié dans Corriere del Veneto, l'écrivain-journaliste justifie la manif. « Une bouffée de fumée noire, un nuage de soufre et de particules équivalent à la circulation de 14 000 voitures », dénonce Roberto Ferrucci. Sans parler du préjudice visuel - dix-douze étages flottants qui écrasent de leur masse la cité - et du travail des vagues, nées du sillage, qui sapent les maisons et palais de la Sérénissime.
« La municipalité a tenté d'élever la voix, de s'opposer au Port, mais cela n'a pas duré longtemps ». Roberto Ferrucci fait allusion au projet de nouveau terminal en mer. Il permettrait de tenir les mastodontes à distance respectable, mais il semble être resté en rade. Tout le monde, à Venise, n'a pas envie de voir refluer le flot de « 2,1 millions de passagers par an » qui irrigue l'économie locale. Des armateurs du monde entier programment cette escale prestigieuse. Des croisiéristes paient, parfois très cher, le droit d'admirer la Cité des Doges depuis leur cabine.
Les écologistes italiens, eux, ne désarment pas. Ils redonneront de la voix les 14 et 23 janvier. « Ils sont de plus en plus nombreux », se félicite Roberto Ferrucci. Il regarde aujourd'hui les paquebots avec « moins de rancune », comme il le confiait dans son roman nazairien Sentiments subversifs (éd. Meet, 2010). Mais, « ils sont faits pour l'océan, pas pour la lagune ».
Jean DELAVAUD.

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